Le débat autour des VTC ferait un très bon Astérix : violent, plein de rebondissements et laissant le lecteur attendant avec impatience la prochaine aventure des Gaulois. C’est vrai qu’on reste un peu sur sa faim après avoir lu la loi Grandguillaume. Les décisions importantes ne seront prises par décret que dans les mois qui viennent. L’influence de ces décrets risque elle-même d’être limitée par des facteurs externes comme les jugements de la Cour Européenne de Justice et les prochaines élections. De quoi remplir encore quelques albums…
Nous sommes en faveur d’une concurrence saine et loyale opérant selon des règles justes et claires. Ce n’est que dans un marché régulé que l’introduction d’innovations garantit aux passagers et aux chauffeurs un meilleur service. Le premier et le troisième article de la loi Grandguillaume vont dans ce sens, les autres non.
L’article 1 requiert des plateformes qu’elles vérifient que leurs partenaires agissent de façon légale. Nous contrôlons systématiquement tous les documents de nos partenaires avant de leur permettre d’accéder à notre système. Il en va de la sécurité de nos clients.
Le troisième article permet aux chauffeurs d’utiliser plusieurs plateformes en même temps et leur garantit la liberté de pouvoir accepter autant – ou aussi peu – de courses qu’ils le souhaitent. Cette mesure encourage la concurrence entre les plateformes au bénéfice des chauffeurs. Ainsi, ils profitent des mêmes avantages que les clients qu’ils véhiculent : la liberté de choisir des partenaires légaux et agréés qui leur conviennent le mieux. C’est une pratique que nous avons toujours encouragée chez nos chauffeurs et qui nous motive d’améliorer constamment le service que nous offrons à nos partenaires.
La loi Grandguillaume porte atteinte à la vie privée des passagers et restreint l’offre de mobilité
Dissimulé entre deux articles raisonnables, l’article numéro 2 n’en n’est pas moins problématique. Ce n’est pas la création d’un « observatoire national du secteur » que nous remettons en cause mais la nature des informations qu’il promet d’exiger : « chiffres d’affaires, nombre de conducteurs affiliés et nombre de courses réalisées ». En quoi ces données permettent-elles une concurrence saine et loyale ?
De son côté, l’article 4 limite le statut “LOTI” aux véhicules transportant un minimum de dix passagers. La logique de simplification avancée semble raisonnable : une seule certification pour un seul métier. Le but de cet article est cependant tout autre : réduire sur le long terme le nombre de chauffeurs VTC.
En effet, rien ne garantit que les chauffeurs “LOTI” puissent obtenir le statut de VTC de façon simple et rapide. Le fait que l’article 5 confie l’organisation de l’examen obligatoire à l’obtention de la carte VTC à Alain Griset, le président de l’Union Nationale des Taxis, ne va en tout cas pas dans ce sens.
Comme chacun sait, le diable se cache dans les détails et ces mesures ne seront précisées par décret que dans quelques mois. Il sera alors trop tard pour les modifier. En outre, rien n’indique que le gouvernement se tienne à l’avis de l’Autorité de la concurrence que Mr. Grandguillaume brandit comme garantie de ses bonnes intentions. En 2013, elle avait conseillé de ne pas imposer de temps minimum entre la réservation et la prise en charge. Le gouvernement l’avait tout simplement ignorée.
Ce climat de méfiance général dessert l’économie française : aucun entrepreneur – que ce soit une plateforme ou une société de VTC – ne peut se permettre d’investir dans une atmosphère aussi labile.
La loi Grandguillaume : beaucoup de bruit pour rien ?
Heureusement, le gouvernement n’a pas de majorité au Sénat et Les Républicains ont pour l’instant toujours été du côté des VTC. L’issue du vote de cet automne est donc loin d’être scellée.
Ce n’est pas la seule instance dont dépend la loi Grandguillaume : la Cour Européenne de Justice s’apprête à rendre deux avis sur les services de VTC cet automne. Ces verdicts ne sont pas à prendre à la légère : en 2014, la décision du conseil constitutionnel d’interdire la maraude électronique aux VTC avait été annulée à cause d’une erreur de procédure liée à la loi européenne.
La grande famille de la mobilité urbaine : plus de VTC, c’est – in fine – plus de travail pour les taxis
Au lieu de régulations privilégiant les taxis au détriment des VTC, nous préconisons des mesures facilitant l’accès au marché pour tous selon les mêmes règles.
Le consommateur moderne exige différents moyens de transport selon l’heure à laquelle il voyage, sa destination et les personnes qui l’accompagnent. Quand des entrepreneurs innovants ont la liberté de développer des solutions adaptées à cet éventail de besoins, posséder un véhicule devient inutile et le recours à toute la gamme de service de mobilité – y compris les taxis – augmente.
Le gouvernement français aurait l’occasion de rassembler tous les acteurs de l’industrie de la mobilité autour d’un grand banquet incluant pour la première fois une option végétarienne et quelques Romains. La France est-elle prête à se réinventer ?